Arles



2009


Présentation

2009 signe l'année des 40èmes Rencontres de la Photographie d'Arles. Le programme repose sur deux catégories. 40 ans de Rencontres réunit les directeurs artistiques qui ont permis à cette formule de s’inventer au fil de l’eau, célèbre le talent de Robert Delpire qui accompagne tant d’artistes dans leur création et a inventé tant d’outils pour la diffuser au public et rend hommage au doyen de nos visiteurs photographes Willy Ronis, qui à 99 ans, proclame son attachement à Arles. 40 ans de ruptures expose des photographes dont le travail a créé le débat lors de leur présentation à Arles en s’éloignant des académismes de leur époque. Au premier rang d’entre eux Duane Michals qui présente une rétrospective et Nan Goldin dont la Ballad of Sexual Dependency a tant marqué les Rencontres et qui a la gentillesse d’inviter à son tour ses amis photographes.



40 ans de rencontre

Willy Ronis

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le flambeau de la photographie française est porté par le Groupe des XV, auquel appartiennent Robert Doisneau, René-Jacques, Marcel Bovis et, bien sûr, Willy Ronis. La vision anecdotique, la parodie, la tendresse, la finesse visuelle sont parmi les procédés narratifs chers à la photographie humaniste, et sa raison d’être. Les rues animées de Paris, ses quartiers populaires, ses flâneurs, des enfants en train de jouer, ou plus généralement des scènes de la vie de tous les jours constituent le décor dans lequel ces photographes allient poésie et vocation spontanée à « changer le monde ».






Robert Delpire

"Il y a deux ans, (ou un peu plus), mes amis François Hébel et Jean-Luc Monterosso m’ont proposé de présenter une rétrospective de ce que nous avons fait depuis 127 ans, (ou un peu moins), jusqu’à aujourd’hui. Peu porté sur les hommages et les médailles, j’ai dit que non, vraiment non. Durant ces quelques années qui me restent, je préfère continuer à bricoler dans l’incurable, avec Cioran. En plus, c’est dangereux d’aller de l’avant et de regarder en arrière. Ils ont accepté mon argument. Sans y adhérer. Mais au fil des mois, mes proches ont relancé un débat que je croyais clos. C’est à qui me persuaderait d’accepter une offre comme celle-là. Certains ont même ajouté qu’il serait plaisant d’investir simultanément Arles et la Maison Européenne de la Photographie."







Jean-Claude Lemagny

Jean-Claude Lemagny a été conservateur général au département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France et se consacre à des lectures de portfolio dans la cour de l’Hôtel Arlatan depuis les premières Rencontres d’Arles.

"J’ai noué, aux Rencontres d’Arles, des relations avec de nombreux artistes de tous horizons, dont les oeuvres sont venues enrichir les collections de la Bibliothèque nationale. L’idée de l’exposition intitulée Tout ce qui est à voir est ce que vous voyez, est de présenter sur un pied d’égalité des textes et des images. Les textes, courtes citations de philosophes et d’artistes disent tous, chacun à leur façon, la même chose : les mots n’ont rien à faire avec les images, ou pour le dire autrement, l’art n’a rien à voir avec la communication. Ils sont répartis dans l’espace, telles ces « paroles gelées » qui éclosent dans le texte mythe de Rabelais."






40 ans de rupture

Nan Goldin

Profondément personnel, The Ballad of Sexual Dependency est le journal intime visuel de Nan Goldin. Depuis plus de trente ans, Nan Goldin fait la chronique de sa vie et de sa famille étendue à Boston, Berlin, Londres, Tokyo, en Egypte et dans le Lower East Side new-yorkais. Cette exploration l’a amenée à bâtir un portrait de son univers et de notre époque. La sexualité est au cœur de l’œuvre de l’artiste. Ses photographies démantèlent les codes de l’identité sexuelle – qu’ils soient obéis, ignorés ou transgressés. Ses images sont plus que des récits à un seul niveau : leur structure répond à une interaction dense entre des personnages et des thèmes dont résulte une œuvre retentissante, presque musicale, qui se fait l’écho de l’ambivalence et de la complexité.







Annelies Strba

Voilà plusieurs décennies qu'Annelies Strba photographie les membres de sa famille. Les images de Shades of Time, la série qui fit connaître l’artiste, caractérisée par le flou partiel, la surexposition et le grain, représentent principalement ses enfants Sonja, Linda et Samuel, ainsi que son compagnon et la grand-mère de ses enfants. Dans les photographies récentes figurent plus particulièrement ses petits-enfants : une idylle familiale que l’artiste semble avoir capturé en passant. Ces images témoignent de son amour de la vie simple, de sa relation avec la nature et d’une passion pour les choses de tous les jours. Mais le domaine de Strba n’est pas la photographie documentaire objective. La force de ses photographies repose plutôt dans l'ambiguïté inhérente au moment et au sentiment qu’elles évoquent, par moments magiques. Suggérant un idéal de l’intimité, elles apportent une vision nostalgique du temps passé.







Lisa Ross

"Utiliser un procédé visuel pour enregistrer quelque chose d’aussi intangible que la foi, aussi subjectif que la spiritualité, peut sembler paradoxal ; pourtant il s’agit d’un défi qui m’a permis d’explorer les frontières entre les genres. En me focalisant avant tout sur les sites eux-mêmes – leur structure délicate, les matériaux éphémères, le lien organique avec le paysage désertique – mon intention était de révéler les éléments de la transcendance et de la dévotion. Je m’intéresse surtout aux images qui dépassent leur rôle documentaire ; ma décision de ne pas inclure des personnages dans ces paysages religieux est partie d’une lecture photo-journalistique, en créant par là-même une expérience intime entre le spectateur et l’objet. De par leur nature physique, les images répondent à une tradition du land art et des earthworks. Cette œuvre, créée sur les sites sacrés du nord-ouest de la Chine dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, a une résonance directe avec l’Histoire et ce lieu. Les Ouïghours sont une «minorité ethnique» musulmane turque. Se rendre sur les tombes des saints est une pratique historique très importante de la pratique spirituelle des Ouïghours, profondément influencée par le mysticisme soufi."







2010

Présentation
Les Rencontres d’Arles 2010 proposent six promenades : une argentine, une rock, une argentique, une avec les amis de la Fondation LUMA, une en forme de passage de témoin, et une promenade autour des conditions de vie en prison. L’édition bénéficie de l’expertise d’une vingtaine de commissaires qui sont responsables de grandes institutions internationales, directeurs artistiques ou collectionneurs. Chaque promenade débute par des invités d’honneurs ou une exposition emblématique.


Du lourd et du piquant


Marcos Lopez

Où est mon quartier ? Qui m’a volé ma douleur? Ma lune, dans quel coin verses-tu, comme alors, ta joyeuse clarté ?» * Je peins le corps des modèles à l’encre rouge, puis, avec la même encre, je colore à la main leurs copies photographiques. Du sang sur du sang. L’idée, c’est de remettre en évidence. De répéter. D’exagérer. Du sang fictif dans un pays de gauchos carnivores et anthropophages, qui tuaient une vache pour en manger un steak, et laissaient le reste aux charognards. Mon esthétique est Baroque. Rococo. Peinture coloniale de Cuzco, mélangée à la vibration phosphorescente des fresques psychédéliques qui ornent les murs des cabarets de Iquitos. Lumière Noire. Amazonie. Sang, ayahuasca, sueur et larmes. J’ai besoin de parler toujours de la même chose. Sans arrêt. Comme le pantin d’un ventriloque sous psychotropes. Expérimenter l’excès sans regrets. Ecrire et méditer, dans une même respiration. Comment trouver le style, le ton, pour faire le portrait d’un continent formé par le mélange d’Indiennes amourachées de conquistadores-centaures ambitieux et sanguinaires?




Sebastiano Mauri

La question de l’identité touche tous les aspects de mon travail, quel que soit le média utilisé : peinture, photographie, sculpture, vidéo. L’identité de chaque individu se forme à partir de nombreuses identités disparates, voire contradictoires. La priorité que nous donnons à une seule de ces identités sur toutes les autres dépend du système de valeurs que nous adoptons. J’examine la multitude de façons dont les préjudices peuvent nous atteindre et limiter dangereusement notre aptitude à nous comprendre les uns les autres. Les sujets de mes peintures ne présentent aucun contexte – coiffure, vêtements, posture, entourage – qui pourrait les situer dans une époque, un lieu ou une classe sociale spécifique. S’ils évoquent des personnages masqués, ils sont paradoxalement dénués de tout élément qui pourrait normalement faire office de masque. Le spectateur doit faire l’effort de les comprendre à un niveau purement humain.




Leandra Berra

En dehors du détournement des techniques policières, Leandro Berra s’essaye dans cette oeuvre à reconstruire les mécanismes qui font passer de la mémoire à l’immémorial (dans le sens que Lanzmann donne à ce mot), c’est-à-dire à la tentative d’abolir la distance entre le passé et le présent, entre la présence et l’absence, mais aussi à une forme de mémoire enracinée hors du temps et dans le plus profond de l’humain. C’est comme si Leandro Berra disait: «J’ai ici les présences que je peux offrir pour témoigner de cette absence que je poursuis. Ceci est mon échec réussi. Ma façon de courtiser (non d’attraper) la vie qui s’enfuit. Celles-ci sont les ombres d’un corps que je ne peux atteindre»... Cet oeuvre comprend : le portait-robot, réalisé par Leandro Berra, d’un ami disparu pendant la dictature militaire en Argentine ; la photo de Leandro Berra provenant du récépissé de la préfecture à son arrivée en France, accompagnée d’un graphique de son profil génétique pour un total de 15 marqueurs du Short Tandem Repeats (STR) et un marqueur de sexe ; la reproduction photographique de sa photo d’identité utilisée sur sa dernière carte de séjour en France en 2001, accompagné d’un graphique de son profil génétique pour un total de 13 marqueurs inclus dans l’ensemble établi par le FBI dans le système CODIS (Combined DNA Indexing System).




Ernst Haas

Ernst Haas est indiscutablement un des photographes les plus connus du 20e siècle. Mais paradoxalement un côté de sa personnalité est resté dans l’ombre. Son nom est le plus souvent associé à une photographie en couleur très vivante, dont la presse illustrée a été friande pendant des décennies. Cette photographie, qui a été publiée dans les magazines les plus influents d’Europe et d’Amérique, a aussi alimenté un flux constant de publications sous forme de livres, lesquels ont eux aussi connu un grand succès. Cependant, même s’il a rendu Haas célèbre dans le monde entier, son travail en couleur est depuis quelques temps souvent tourné en dérision par des critiques et des curateurs qui le jugent « trop commercial » ; pour une raison ou pour une autre, il est considéré comme trop plaisant et sentimental. Résultat: la réputation de Haas souffre de la comparaison avec les générations de photographes qui ont pratiqué la couleur après lui, en particulier Eggleston, Shore et Meyerowitz. Parallèlement aux travaux de commande, Haas n’a cependant jamais arrêté de faire des images pour lui-même – pour ainsi dire– et celles-ci révèlent un aspect de sa sensibilité entièrement différent : elles sont beaucoup plus nerveuses, libres et ambiguës, en un mot elles sont beaucoup plus radicales. Du vivant du photographe, elles n’ont pas été publiées ou montrées dans une exposition, à une ou deux exceptions près. Il est possible que Haas ait pensé qu’on ne les comprendrait ou apprécierait pas. Il reste que ces oeuvres sont d’une grande complexité et rivalisent avec tout ce qu’on a pu voir par la suite. Cette exposition en présente une sélection.




Michel Campo

insolite, certes, mais ô combien sensuelle, la série Chambres noires de Michel Campeau suscite une émotion à la fois incisive et diffuse : une exquise mélancolie. Ce projet amorcé il y a un peu plus de quatre ans saisit ce momentum de la mort annoncée d’une pratique artisanale de la photographie. Et si l’exploration de ces précieuses chambres noires le mène au constat d’un rituel fondamentalement universel, y prélever leurs traces mnésiques, personnelles et culturelles, lui confirme la résistance et surtout cette résilience bien ancrée chez les maîtres artisans de la photographie argentique. Défenseur invétéré d’une vérité intrinsèque de l’image, Michel Campeau nous invite à en « écouter » les révélations. Aussi nous rappelle-t-il qu’à bien des égards, l’expérience du photographique se rapproche intimement de l’analyse psychanalytique. La chambre noire, où se déploie et s’ordonne la source de matériaux plus ou moins volontairement accumulés, n’est-elle pas la métaphore par excellence d’un inconscient toujours à l’œuvre bien malgré lui ? La chambre noire serait au photographe ce que le cabinet de consultation est à l’analyste ; des espaces réservés aux seuls initiés.




Zhang Dali

Cette exposition représente la troisième et la dernière phase d’un projet commencé en 2005 : une analyse du trucage de la photographie dans la propagande en Chine à travers la confrontation de documents historiques des années 1950 à 1970. L’artiste a dépouillé pendant cinq ans les archives de centaines de bibliothèques et de fonds photographiques en Chine pour récolter un fond impressionant de photographies truquées et leurs négatifs originaux - pour mieux comprendre les visions politiques des censeurs de l’époque.


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Informations pratiques