2010

Présentation
Les Rencontres d’Arles 2010 proposent six promenades : une argentine, une rock, une argentique, une avec les amis de la Fondation LUMA, une en forme de passage de témoin, et une promenade autour des conditions de vie en prison. L’édition bénéficie de l’expertise d’une vingtaine de commissaires qui sont responsables de grandes institutions internationales, directeurs artistiques ou collectionneurs. Chaque promenade débute par des invités d’honneurs ou une exposition emblématique.


Du lourd et du piquant


Marcos Lopez

Où est mon quartier ? Qui m’a volé ma douleur? Ma lune, dans quel coin verses-tu, comme alors, ta joyeuse clarté ?» * Je peins le corps des modèles à l’encre rouge, puis, avec la même encre, je colore à la main leurs copies photographiques. Du sang sur du sang. L’idée, c’est de remettre en évidence. De répéter. D’exagérer. Du sang fictif dans un pays de gauchos carnivores et anthropophages, qui tuaient une vache pour en manger un steak, et laissaient le reste aux charognards. Mon esthétique est Baroque. Rococo. Peinture coloniale de Cuzco, mélangée à la vibration phosphorescente des fresques psychédéliques qui ornent les murs des cabarets de Iquitos. Lumière Noire. Amazonie. Sang, ayahuasca, sueur et larmes. J’ai besoin de parler toujours de la même chose. Sans arrêt. Comme le pantin d’un ventriloque sous psychotropes. Expérimenter l’excès sans regrets. Ecrire et méditer, dans une même respiration. Comment trouver le style, le ton, pour faire le portrait d’un continent formé par le mélange d’Indiennes amourachées de conquistadores-centaures ambitieux et sanguinaires?




Sebastiano Mauri

La question de l’identité touche tous les aspects de mon travail, quel que soit le média utilisé : peinture, photographie, sculpture, vidéo. L’identité de chaque individu se forme à partir de nombreuses identités disparates, voire contradictoires. La priorité que nous donnons à une seule de ces identités sur toutes les autres dépend du système de valeurs que nous adoptons. J’examine la multitude de façons dont les préjudices peuvent nous atteindre et limiter dangereusement notre aptitude à nous comprendre les uns les autres. Les sujets de mes peintures ne présentent aucun contexte – coiffure, vêtements, posture, entourage – qui pourrait les situer dans une époque, un lieu ou une classe sociale spécifique. S’ils évoquent des personnages masqués, ils sont paradoxalement dénués de tout élément qui pourrait normalement faire office de masque. Le spectateur doit faire l’effort de les comprendre à un niveau purement humain.




Leandra Berra

En dehors du détournement des techniques policières, Leandro Berra s’essaye dans cette oeuvre à reconstruire les mécanismes qui font passer de la mémoire à l’immémorial (dans le sens que Lanzmann donne à ce mot), c’est-à-dire à la tentative d’abolir la distance entre le passé et le présent, entre la présence et l’absence, mais aussi à une forme de mémoire enracinée hors du temps et dans le plus profond de l’humain. C’est comme si Leandro Berra disait: «J’ai ici les présences que je peux offrir pour témoigner de cette absence que je poursuis. Ceci est mon échec réussi. Ma façon de courtiser (non d’attraper) la vie qui s’enfuit. Celles-ci sont les ombres d’un corps que je ne peux atteindre»... Cet oeuvre comprend : le portait-robot, réalisé par Leandro Berra, d’un ami disparu pendant la dictature militaire en Argentine ; la photo de Leandro Berra provenant du récépissé de la préfecture à son arrivée en France, accompagnée d’un graphique de son profil génétique pour un total de 15 marqueurs du Short Tandem Repeats (STR) et un marqueur de sexe ; la reproduction photographique de sa photo d’identité utilisée sur sa dernière carte de séjour en France en 2001, accompagné d’un graphique de son profil génétique pour un total de 13 marqueurs inclus dans l’ensemble établi par le FBI dans le système CODIS (Combined DNA Indexing System).




Ernst Haas

Ernst Haas est indiscutablement un des photographes les plus connus du 20e siècle. Mais paradoxalement un côté de sa personnalité est resté dans l’ombre. Son nom est le plus souvent associé à une photographie en couleur très vivante, dont la presse illustrée a été friande pendant des décennies. Cette photographie, qui a été publiée dans les magazines les plus influents d’Europe et d’Amérique, a aussi alimenté un flux constant de publications sous forme de livres, lesquels ont eux aussi connu un grand succès. Cependant, même s’il a rendu Haas célèbre dans le monde entier, son travail en couleur est depuis quelques temps souvent tourné en dérision par des critiques et des curateurs qui le jugent « trop commercial » ; pour une raison ou pour une autre, il est considéré comme trop plaisant et sentimental. Résultat: la réputation de Haas souffre de la comparaison avec les générations de photographes qui ont pratiqué la couleur après lui, en particulier Eggleston, Shore et Meyerowitz. Parallèlement aux travaux de commande, Haas n’a cependant jamais arrêté de faire des images pour lui-même – pour ainsi dire– et celles-ci révèlent un aspect de sa sensibilité entièrement différent : elles sont beaucoup plus nerveuses, libres et ambiguës, en un mot elles sont beaucoup plus radicales. Du vivant du photographe, elles n’ont pas été publiées ou montrées dans une exposition, à une ou deux exceptions près. Il est possible que Haas ait pensé qu’on ne les comprendrait ou apprécierait pas. Il reste que ces oeuvres sont d’une grande complexité et rivalisent avec tout ce qu’on a pu voir par la suite. Cette exposition en présente une sélection.




Michel Campo

insolite, certes, mais ô combien sensuelle, la série Chambres noires de Michel Campeau suscite une émotion à la fois incisive et diffuse : une exquise mélancolie. Ce projet amorcé il y a un peu plus de quatre ans saisit ce momentum de la mort annoncée d’une pratique artisanale de la photographie. Et si l’exploration de ces précieuses chambres noires le mène au constat d’un rituel fondamentalement universel, y prélever leurs traces mnésiques, personnelles et culturelles, lui confirme la résistance et surtout cette résilience bien ancrée chez les maîtres artisans de la photographie argentique. Défenseur invétéré d’une vérité intrinsèque de l’image, Michel Campeau nous invite à en « écouter » les révélations. Aussi nous rappelle-t-il qu’à bien des égards, l’expérience du photographique se rapproche intimement de l’analyse psychanalytique. La chambre noire, où se déploie et s’ordonne la source de matériaux plus ou moins volontairement accumulés, n’est-elle pas la métaphore par excellence d’un inconscient toujours à l’œuvre bien malgré lui ? La chambre noire serait au photographe ce que le cabinet de consultation est à l’analyste ; des espaces réservés aux seuls initiés.




Zhang Dali

Cette exposition représente la troisième et la dernière phase d’un projet commencé en 2005 : une analyse du trucage de la photographie dans la propagande en Chine à travers la confrontation de documents historiques des années 1950 à 1970. L’artiste a dépouillé pendant cinq ans les archives de centaines de bibliothèques et de fonds photographiques en Chine pour récolter un fond impressionant de photographies truquées et leurs négatifs originaux - pour mieux comprendre les visions politiques des censeurs de l’époque.